Histoire

Jeanne d’Arc, de bergère à Sainte

« Souvenons- nous toujours, Français, que la patrie chez nous est née du coeur d’une femme, de sa tendresse et des larmes, du sang qu’elle a donné pour nous » écrit Jules Michelet (1798- 1874) dans l’« Histoire de France », livre V, publié en 1841. Ces mots marquent un tournant dans la façon à «voir» et à présenter Jeanne d’Arc. Sous la plume de l’historien la « bergère de Domrémy » devient la héroïne du peuple français, toutefois une heroïne oubliée par le roi et martyrisée par l’Église. Michelet allie une documentation rigoureuse à une écriture poétique et émouvante pour réveiller devant le lecteur des grandes figures de l’histoire nationale comme Jeanne d’Arc et de la France elle-même.

Jeanne d’Arc, dite la Pucelle d’Orléans, est née en 1412 à Domrémy, dans les Vosges. Cette paysante française joua un rôle décisif dans la guerre de Cent Ans et devint après sa morte, une heroïne nationale.

C’est vers 1425 que la jeune fille de 13 ans crut entendre les voix de saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite lui ordonner de chasser les Anglais et de conduire Charles VII à Reims pour qu’il reçoive le sacre, symbole de la légitimite de son pouvoir. Une mission divine pour laquelle la Pucelle donna toute son âme, coeur, courage et foi. On raconte, que Jeanne d’Arc aurait reconnu Charles VII dissimulé parmi ses courtisants et après un entretien secret, elle obtint de lui ses premières troupes, avec lesquelles elle délivra Orléans. Jeanne accomplit sa mission suprême en faisant sacrer Charles VII, appelé Charles le Victorieux, à Reims le 17 juillet 1429. Le peuple y voyait un jugement de Dieu et reconnut sa légitimité, tandis que naissait dans le royaume l’idée de nation.

La Pucelle mena des batailles glorieuses contre les garnisons anglaises, mais aussi des expéditions militaires vouées à l’échec. Presque un an plus tart, la jeune femme fit prisonnière à Compiègne le 23 mai 1430 par Jean de Luxembourg, qui était au service du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Les Anglais la lui achetèrent et la firent comparaître à Rouen devant un tribunal ecclésiastique, présidé par Pierre Cauchon, l’évêque de Beauvais et l’ordonnateur de son procès. Déclarée hérétique, Jeanne d’Arc reconut d’abord ses torts et fut condamné à l’emprisonnement, avant de revenir sur ses aveux et d’être alors condamnée au bûcher… sans que Charles VII eût rien tenté pour la sauver. Avant de monter au bûcher, Jeanne lance ces mots à Pierre Cauchon : «Évêque, je meurs par vous ». Elle fut brûlée vive à Rouen le 30 mai 1431. Des années plus tart, les décisions du procès de la Pucelle furent annulées. Elle fut réhabilitée en 1456 par le pape Calixte III.

La Ligue catholique s’est approprié le mythe de la courageuse femme au XVIe siècle. La France des XVIIe et XVIIIe siècles l’avait condamnée à l’oubli. Les Révolutionnaires détruisaient même sa statue d’Orléans (1792) pour en faire des canons. Emblème du patriotisme et de la fidélité de la France au roi et à la religion depuis la Restauration, la IIIe République a tenté de s’approprier l’image de cette heroïne nationale. En 1847, l’abbé Barthélemy de Beauregard sera le premier auteur catholique à publier une biographie de Jeanne d’Arc. En 1869, l’évêque d’Orléans, Mgr Félix Dupanloup, évoque sa sainteté dans le but de réconcilier la France libérale avec la foi chrétienne. « Histoire de Jeanne d’Arc » de l’universitaire Henri Wallon, publié en 1860, a remporté un grand succès.

En 1874 s’ouvre le procès diocésain de canonisation de la Pucelle.

En 1885 suivit un deuxième procès, qui implique d’examiner toutes sources connus : traditions orales, historiques, religieuses, littéraires. Neuf ans plus tard, en 1894, il est décidé que la Pucelle a eu une vie „exemplaire“ qui justifie l’étude de la cause de béatification.

En 1897, suivit envin le procès apostolique sur les vertus de Jeanne d’Arc. En 1909, le pape Pie X béatifie la Pucelle. Le 16 mai 1920, après plusieurs années et des longues procèdures Jeanne d’Arc est canonisée par le pape Benoît XV au Vatican.  Au cours des siècles, la Pucelle d’Orléans inspira le mond des lettres et des arts : Tchaïkovski (opéra), Shiller (drame), Verdi (opéra), Arthur Honegger (oratorio), George Bernard Shaw (littérature), Carl Theodor Dreyer (cinéma), Jules Bastien- Lepage (peinture), Hermann Anton Stilke (peinture), Jean- Jacques Scherrer (peinture), Prosper d’Épinay (statue polycrome)…

La bergère, la fille du peuple, la révolutionaire, la restauratrice de la monarchie et de l’ordre divin, l’emblème de la foi et la détermination, l’incarnation de patriotisme et nationalisme, la martyre, celle qui a été trahie par les élites et l’Église, est devenue la Sainte Jeanne d’Arc.          

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