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L’astronome qui voulait voir Vénus

Peut- être vous n’avez jamais endendu parler de moi. Peut- être vous n’avez jamais lu mes aventures. Alors, préparez- vous à entrouvrir la porte et partir là, où ma plume et mes souvenirs vont vous emmener…

Je m’appelle Guillaume Joseph Hyacinthe Jean- Baptiste Le Gentil de la Galasière. Ne confondez pas mon nom avec celui du marquis de la Galasière, le chancelier de la Lotharingue (Lorraine actuelle) sous le règne de Stanislas.

Je suis né en 1725 à Coutances, en Normandie. Mon père exerce la fonction dе brigadier au sein de la prestigieuse unité des gardes du corps de la maison militaire du roi. Pour réussir ma vie dans la société, pour avoir des revenus confortables et pour être respecté, ma famille m’envoie étudier au Séminaire, après quoi je m’installe à Paris. Et en 1745, je passe mon doctorat de théologie. Mais je trouve les cours de la faculté monotones, avec des conceptions anciennes. Les cours sont basés sur les études de Dominicain et théologue italien Thomas d’Aquin. Dans sa doctrine, L’Eglise voit l’idéal de la phylosophie chrétienne, fondé sur la foi et la raison, la théologie et la phylosophie. Moi, je suis assoiffé de nouvelles connaissances, je cherche d’autres explications concernant le monde, qui nous entoure. Et pour cette raison, je décide un jour d’aller au Collège royal pour écouter les cours du célèbre professeur d’astronomie Joseph- Nicolas Delisle.

Mon Dieu, que je suis surpris de ce que j’entends! Mes yeux se sont ouverts et une nouvelle lumière a éclairé mes idées concernant le ciel et les étoiles! Et sans aucune hésitation, je décide d’abandonner la soutane et la carrière de prêtre.

Ainsi, en 1750, Jacques Cassini me nomme assistant à l’Observatoire. Jacques (1677- 1756) fait partie de la célèbre famille française d’astronomes et cartographes, qui dirige l’Observatoire depuis 1672 et qui va acomplir ce devoir jusqu’à la Révolution française.

Ici, dans l’Observatoire, j’apprends à me servir des instruments, utilisés en astronomie : sextant, octant et quart- de- cercle. Je découvre le monde fascinant et mystérieux du ciel. Un monde qui m’envoûte et que j’observe chaque nuit. Bien sûr, je trouve du temps libre pour écrire mes mémoires. Et quel bonheur et fierté est pour moi, d’être affecté comme adjoint de la section d’astronomie de l’Académie des sciences en 1753. Ici, je consacre sept années de ma vie au travail scientifique.

En 1760, j’ai le bonheur d’embarquer à bord du Berryer et me rendre à Pondichéry. Cette ville portuaire indienne, située dans le Golf du Bengale, qui a été fondée en 1674 par la Compagnie française des Indes orientales. Pourquoi ai-je entrepris ce long voyage ? Pour pouvoir observer de ce point terrestre, le passage d’une planète sur le disque solaire. Une planète, qui m’ensorcelle avec son mystère et qui porte le nom de la déesse romaine de l’amour, Vénus. En ce moment précis, je n’ai aucune idée de ce qui m’attend…

Le voyage s’entame d’Europe. Et il faut contourner toute la côte ouest du continent africain (à cette époque le canal de Suez n’existe pas encore) pour atteindre Isle de France (aujourd’hui île de France ou île Maurice). Après ce voyage marin de 107 jours, le gouverneur de l’île m’informe que la France est en guerre! C’est la guerre de Sept Ans (1756- 1763) : L’Angleterre et la Prusse sont contre la France, l’Autriche et leurs alliés. Cette désagréable nouvelle change nos plans et nous oblige à rester quelques mois sur l’île.

Enfin, nous levons l’ancre et j’embarque à bord d’une frégate rapide. Nous naviguons pendant la saison de la mousson. Pluie et vagues nous submergent, mais nous parvenons à la côte indienne à temps pour que je puisse observer Vénus.

Entre- temps, un autre obstacle vient perturber mes intentions : la ville  Pondichéry a été prise par les Anglais en 1761! Vénus doit attendre…ou bien, c’est moi qui doit attendre car les passages de la planète arrivent à une intervalle temporelle très précise : les transits de Vénus surviennent par paires de huit ans séparées d’une autre par plus d’un siècle. Alors, la dernière chance pour moi de l’observer va se présenter en 1768.

Alors que j’attends l’année opportune, je décide de traverser l’océan Indien de Madagascar jusqu’à Manille. Et mon temps libre, je le consacre au travail scientifique en recueillant des spécimens de sciences naturelles, inconnues en Europe, en relevant des positions géographiques et des témoignages ethnologiques. Et de nouveau, je suis confronté aux épreuves : une météo capricieuse, la fièvre tropicale, plusieurs naufrages des bateaux à bord desquels j’embarque…et je suis même soupçonné d’espionnage!

En 1765, Pondichéry est rendue à la France par le traité de Paris et je m’installe dans la ville, où je me prépare au passage de Vénus. Le gouverneur de la ville a fait construire un observatoire à mon honneur.

Plus le jour fatidique approche, plus je suis ému et impatient. La météo offre des conditions idéales pour observer la planète. Hélas! Le jour prévu, le ciel se couvre d’épais nuages…observer Vénus, est impossible.

En 1771, je décide enfin de rentrer dans mon pays, ma France bien aimée. Maintenant, je me rends compte, que la « poursuite » de Vénus, m’a coûté 11 ans, 6 mois et 13 jours… sans avoir eu la possibilité de l’observer comme je le souhaitais.

Mais les désagréments ne s’arrêtent pas là! J’apprends, qu’aucunes de mes lettres envoyées à mes collègues de l’Académie et à mes proches n’étaient parvenues à destination. Et tout le monde me croyait…péri! Ma famille avait commencé à se partager mes biens, et mon siège à l’Académie, déclaré vacant, avait été concédé à un remplaçant!

Malgré tout, mon histoire finit bien. Heureusement, l’Académie m’a accordé de nouveau mon siège et en 1789, j’en deviens son directeur. Et mon mariage, qui me porte bonheur et repos, m’a permis d’écrire mes mémoires.

Même si je n’ai pas réussi à observer Vénus, un autre travail scientifique me porte satisfaction et reconnaissance : j’ai calculé avec précision la distance de la Terre au Soleil. Ce fait va rester dans l’histoire de l’astronomie, la science, que j’ai tant aimé.

Ma vie s’achève en 1792, à l’âge de 67 ans.

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