La merveilleuse bibliothèque d’Alexandrie

Vers 283 av. J.- C., en Haute- Egypte, un Grec mourut d’une morsure d’aspic. Un suicide, un accident ou un assasinat? L’homme, qui avait soixante ou soixante-dix ans au moment de sa mort, était tombé en disgrâce auprès du nouveau roi Ptolémée II Philadelphe (v. 308/285- 246 av. J.-C.) et a été expulsé d’Alexandrie. Cet homme était un grand érudit, auteur de plusieurs livres et élève d’illustres philosophes. Mais surtout, il avait contribué à la fondation de la plus célèbre bibliothèque de l’Antiquité, la bibliothèque d’Alexandrie.
Cet homme s’appelait Démétrios de Phalère. Il est né vers 350 av. J.- C. à Phalère, l’un des ports de l’agglomération antique d’Athènes. Démétrios décida de partir pour Athènes, où il étudia au Lycée. Il obtint une excellente éducation auprès des célèbres philosophes et savants. Très bon orateur, le jeune homme écrivait des discours engagés, qu’il exposait et défendait devant le public. Sa réputation était telle, que Cassandre (v. 358-297 av. J.-C.), roi de Macédoine après la mort d’Alexandre le Grand, le nomma à la tête de la cité en 317 av. J.- C. Démétrios réalisa un recensement, rédigea des lois et prit des mesures fiscales. Il devint amis avec des philosophes renommés et des poètes connus. L’histoire raconte, qu’il était tellement populaire et apprecié par ses compatriotes, qu’on ériga environ 300 statues en son honneur!… Jusqu’à 307 av. J.-C., lorsque Athènes fut assiégée sous Démétrios Poliorcère, roi macédonien, surnommé l’« Assiégeant de cités ». On renversera les statues de Démétrios et les transformera en… urinoirs.
Démétrios de Phalère réussit à se réfugier à Thében, où il resta de 307 à 297 av. J.-C. Ne pouvant plus rentrer à Athènes, il prit ses bagages et ses manuscrits pour s’établir en Alexandrie…
En 332 av. J.-C. Alexandre le Grand conquerit l’Egypte. Une ville, fondée en cette année à l’ouest du delta du Nil, en Haute- Egypte, sera baptisée Alexandrie en son honneur.
Alexandrie était construite selon les plans de l’architecte Dinocarès de Rhodos, qui décida de donner à la ville la forme d’une chlamyde macédonienne. Les rues étaient divisées en cinq zones, d’après les premières lettres de l’alphabet grec : Alpha, Bêta, Gamma, Delta, Epsilon, dont l’acronyme en grec dit « Alexande, roi né d’un dieu, la fonda ». Dans cette belle et grande ville se mélangeaient différentes langues et cultures. De nombreux commerçants passaient ici pour vendre ses produits rares et exotiques. D’infatigables voyageurs venaient visiter la ville et admirer son architecture moderne. Des savants et des scientifiques s’installaient à Alexandrie, pour pouvoir écrire leurs oeuvres et partager leurs connaissances avec les autres érudits.
Démétrios, ébloui par la beauté et la richesse culturelle de la ville, s’installa dans un quartier près du palais royal.
En 305 av. J.- C., Ptolémée Ier Sôter régnait sur l’Egypte. Selon Plutarque, Démétrios lui même conseilla au roi d’acquérir et de lire des livres sur la monarchie, car « ce que ses amis n’osent pas dire à un roi, est écrit dans les livres ». Démétrios rédiga des lois et des règlements. Il écrivait beaucoup et dédia à Ptolémée un livre, intitulé « Ptolémée », consacré à la politique et à la culture. Il convainquit le roi de construire un édifice dédié aux Muses, le Musée, qui faisait partie du palais royal. Très vite, le Musée s’est doté d’une bibliothèque extraordinaire. Ici on pouvait trouver des livres en grec, des oeuvres de la culture egyptienne et d’autres pays, ainsi que des textes juifs de l’Ancien Testament, traduits en grec. La loi obligeait tous ceux qui visitaient Alexandrie de faire don d’un ouvrage. Selon les sources écrites, Démétrios avait l’ambition de constituer une collection de 500 000 livres et manuscrits! Le célèbre médecin grec Galien dit, que les Ptolémées ne ménagèrent pas leur peine pour accroître la réputation de leur bibliothèque. Il payaient des cautions pour obtenir des originaux et pouvoir les copier. L’histoire note qu’ils ne les rendaient pas toujours. Ptolémée Ier demanda aux Athéniens de lui prêter des papyrus contenants les copies officielles des oeuvres d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide contre un paiement… Seules les copies retournèrent à Athènes. Ainsi, 79 oeuvres officielles d’Eschyle, 120 de Sophocle et 88 d’Euripide restèrent dans la bibliothèque d’Alexandrie.
On raconte, que la bibliothèque d’Alexandrie abritait 700 000 volumes. Elle a été incendiée en 47 av. J.- C. et en 390. L’arrivée des Arabes en 642 marqua le déclin de la ville d’Alexandrie et les vestiges de la bibliothèque disparurent…